[Mission Rang D] Laver les vieux

~ Quand une mission tourne en mauvaise rencontre… ~
Vous ? !

Une goutte de pluie s’écrasa sur le nez de Sachiko, qui marchait dans les rues du village. Elle leva les yeux, observant avec un certain découragement les nuages qui s’étaient entassés dans le ciel. Comme d’habitude, quoi. Quoi de plus banal que de voir des nuages orageux au-dessus du village de Kumo, au bon milieu du pays des Nuages ? Néanmoins, elle pressa le pas, n’ayant aucunement envie de finir trempée. Pour aller où ? À l’hôpital. Mais pas pour s’entraîner. Pour faire une mission qu’elle avait prise le matin même. Elle devait aller « laver les vieux ». Banal et un peu dégoûtant comme travail, mais au moins elle sera à l’hôpital, endroit où elle voulait se trouver le plus possible, et elle serait protégée de la pluie qui menaçait de s’abattre sur Kumo.

La pluie commençait déjà à tomber lorsqu’elle entra à l’intérieur du bâtiment. Légèrement humide, elle se dirigea vers le comptoir, où siégeait la secrétaire de l’endroit. Poliment et simplement, elle lui demande se qu’elle devait faire pour sa mission, aujourd’hui. La secrétaire, la même qu’elle avait rencontré lorsqu’elle cherchait un Senseï médical, la regarda en coin. Puis, elle lui tendit un habit à l’air propre et lui dit :

- Enfile ça, ensuite direction la chambre 304, au troisième étage.

Toujours aussi froide. M’enfin, elle en avait l’habitude, quoi. Elle se dirigea donc vers la salle de bain, où elle se hâta d’enfiler sa tenue, noire à son grand étonnement. Probablement pour différencier les gens qui travaillaient ici de ceux qui sont de passage, qui sait ? Mais en fait, peu importait. De toute façon, la tenue lui allait bien, alors pourquoi se plaindre ?

Elle mit ses vêtements dans un petit casier, qu’elle ferma à clé pour éviter les mauvaises surprises. Mieux vaut être trop prudent que pas assez, après tout. Passant devant un miroir, elle décida de se coiffer le plus proprement possible, histoire de bien paraître, même si elle savait que ça ne servirait à rien. Les gens la détestaient, alors qu’elle soit bien coiffée ou non ils s’en fichaient bien. Néanmoins, elle ne put s’empêcher de penser qu’ils verraient peut-être qu’elle n’était pas aussi méchante que ce qu’ils s’imaginaient. Rêve peut-être impossible, mais elle y tenait dur comme fer, alors elle ne lâcherait pas prise.

L’adolescente se rendit ensuite directement à la salle indiquée par la secrétaire. Lorsqu’elle entra et qu’elle vit le nombre de personnes qui attendait de se faire laver, elle sentit sa détermination fondre. Elle qui croyait que tout ça allait se passer dans des chambres séparées, il semblait qu’en fait, c’était dans une immense salle avec des bains un peu partout. Il y avait des personnes de tous âges et qui souffraient de tous les maux : des jeunes enfants qui éternuaient régulièrement aux plus vieux qui semblaient avoir de la difficulté ne serait-ce qu’à ouvrir les yeux, en passant par les jeunes shinobis avec un bras enrubané dans le bandage. Mais tous, sans exception, baignaient dans un petit bassin d’eau, séparé des autres pour plus d’intimité. Il y avait quelques Genins, probablement tous affectés à la même tâche ingrate qu’elle. Les jeunes shinobis se tournèrent pour fixer la nouvelle aide qui venait d’arriver. Elle ne fut guère surprise de voir que leur regard s’assombrissait lorsqu’ils la reconnaissaient, mais elle fut tout de même un peu déçue.

La jeune fille n’y porta cependant pas attention, laissant son regard se balader sur toutes les personnes présentes, prête à aider. Mais, à sa déception profonde, tous détournèrent la tête lorsqu’ils croisaient son regard de braise. Tous, sauf un. Un vieil homme, installé dans un coin solitaire, loin de tous. Elle le reconnu aussitôt, sans pourtant se rappeler son nom. Comment oublié un tel homme ?

La surprise se peignit sur son visage, sans qu’elle ne fasse rien pour la cacher. Un éclair tomba à l’extérieure, illuminant une fraction de seconde la pièce et le regard de braise de l’Hasegawa. Elle souffla, si bas que personne ne pouvait l’entendre :

– Vous ? !

Elle ferma les yeux, assaillie par le seul et unique souvenir que lui rappelait cet homme. Celui de sa toute première sortie, alors qu’elle était tout juste âgée d’un an et demie. Elle se souvient. Ce vieil homme, c’était le tout premier qu’elle avait croisé. Elle se souvient de la peur et de la surprise qui s’était fait voir sur le visage de l’aîné, alors qu’il la traitait en criant de démon, de présage de catastrophe et de toutes sortes de choses horribles qu’elle ne comprenait pas à cet âge. C’était de sa faute si son enfance avait été gâchée par les préjugés. Il avait réussit à semer la peur et la haine dans l’esprit de chacun à l’égard du petit bout de personne qu’elle était. Le tout, en à peine quelques instants. Elle ne l’avait jamais revu par la suite, tant et si bien qu’elle le croyait mort et enterré. Mais sa présence dans cette salle lui prouvait bien le contraire.

Le pas hésitant, la Genin se dirigea vers cet homme. Elle n’avait pas vraiment envie de lui parler, pour tout dire. Mais c’était comme si une force invisible l’attirait dans cette direction, sans son consentement mental. Ou alors il s’agissait de sa conscience, qui avait besoin d’en savoir plus sur cet être. Pourquoi lui avait-il dit des choses pareilles ? À cause de son apparence ? Peut-être. Ou bien c’était autre chose. Et c’était peut-être tout simplement pour cela qu’elle avançait vers lui, soutenant sans défaillir son regard pénétrant. Bientôt, elle fut près de lui, loin des oreilles indiscrètes. Elle saisit vaguement l’éponge et le savon pour le corps près d’elle et commença à frotter le vieil homme. Il ne semblait pas avoir peur d’elle, ce qui la surpris. Mais elle n’en montra rien.

Au bout de quelques instants de silence pénible, où seul se faisait entendre le clapotis de l’eau et les discussions que les autres Genins avaient avec ceux qu’ils l’avaient, Sachiko craqua. Sans pour autant lever les yeux, continuant de faire son boulot comme si de rien n’était, elle lança :

- Je me souviens, vous savez.

Devant le manque de réaction du vieil homme, mis-à-part un petit tressaillement prouvant que lui aussi se souvenait, elle continua.

- Pourquoi m’avoir traitée de démon ? À cause de la couleur de mes yeux ?

- En partie.

Pas un mot de plus. Pas de mot sur l’autre partie insinuée par cette phrase. Pas d’explication. Rien. Elle se crispa légèrement, mais continua de savonner le vieux. Car il était bien vieux, elle s’en rendait bien compte maintenant. S’il était vieux alors qu’elle était ttoute petite, il devait être arrivé à un âge vénérable, aujourd’hui. Elle respecta donc son silence, croyant qu’il reprenait son souffle. Cependant, remarquant qu’il ne comptait pas continuer, elle le poussa un peu.

– Mais encore… ?

Il soupira, un soupir mélangeant agacement et découragement. Puis, il parla enfin, de sa voix vieille et faible.

– Parce que tu es une Hasegawa, voilà pourquoi.

L’adolescente fronça les sourcils. Qu’est-ce que son nom venait faire là dedans ? Y avait-il quelque chose à propos des Hasegawa qu’elle ne connaissait pas ? Sa mère lui avait déjà raconté qu’il y avait très longtemps, les Hasegawa avaient étés des ninjas réputés. Mais elle ne se souvenait plus pourquoi. Visiblement, cet homme, lui, le savait. Sceptique, elle le poussa à continuer.

– Et alors ?

Il poussa un nouveau soupir, plus prononcé cette fois. Il semblait bien agacé de toutes ces questions, posées par une jeune fille qu’il connaissait à peine. Néanmoins, il continua.

- C’est décourageant de voir à quel point les jeunes aujourd’hui ne savent plus l’histoire de leur clan, non ? Tu iras faire des recherches à la bibliothèque, moi je n’ai pas l’habitude de parler, encore moins à des démons.

La jeune fille fut vexée par la dernière remarque, mais elle ne répondit pas. Elle continua de laver cet homme si étrange, pensive. Elle termina rapidement. Elle le salua d’un signe de tête avant de partir vers quelqu’un d’autre qui attendait son lavage. Aucun mot ne fut échangé et ça l’arrangeait bien, elle qui était complètement confuse. Elle lavait les patients comme un robot et lorsqu’elle eut terminée sa journée, elle ne put même pas dire combien de personne elle avait frottée. Le peu de phrases prononcés par ce vieil homme lui trottait continuellement dans la tête.

Lorsqu’elle fut dans son lit, ce soir-là, elle se dit qu’elle ferait ce que l’homme lui avait conseillé de faire : dès qu’elle aurait du temps libre, elle ferait des recherches à la bibliothèque sur son clan. Mais pour l’instant, elle devait dormir, si elle voulait faire une nouvelle mission le lendemain.