Discussion fraternel [ Ace ]

Ambiance

Brother Talk

Les forêts humides étaient l'un des rares endroits de Kiri où je n'aimais pas me trouver. Pour quelqu'un au caractère aussi enflammé que le mien, des endroits qui puaient la morosité et la tristesse ne faisait que déprimer mon âme. Pourtant, aujourd'hui, je me trouvais dans ce lieu que je haïssais tant, juste parce que mon frère de coeur l'appréciait, pour des raisons qui m'échapperait sans doute éternellement. Depuis nos promotions respectives en tant que Juunin et Oi-nin, les occasions de se voir et de comploter contre le monde entier étaient si rares que j'avais envie de redevenir libre comme auparavant. Cependant, les avantages d'être le bras armé d'un pays n'étaient pas à négliger et la Mizukage était l'un de ses avantages alléchants. Luxurieux comme je l'étais, il m'était difficile de me contenter de simplement la regarder alors qu'elle faisait tout, et sûrement sans le savoir, pour me tenter. Il allait falloir que je règle cette mauvaise manie que j'avais là, car elle risquait de me fourrer dans des situations bien délicates. Bref, ceci n'était qu'un de mes nombreux soucis. Je comptais justement profiter de cette promenade entre frangins pour lui expliquer ce que j'avais découvert dernièrement. Je n'appréhendais pas sa réaction car, le connaissant comme je le connaissais, il me dirait, à n'en point douter, que j'étais fou, mais me soutiendrais tout de même. Le silence nous entourait depuis que nous étions entrés dans cette stupide forêt et je préférais attendre qu'il engage la conversation. Et c'est ce qu'il ne tarda pas à faire. Les nouvelles allaient le surprendre.

♠ Je suis retourner à la maison de mes parents. ♠

En effet, pour des raisons que j'ignorais ou du moins que je prétendais ne pas savoir, j'étais retourné à mon pays natal. Taki n'avait pas changé et le grand arbre qui lui servait de couverture avait encore poussé. Quand j'étais parti, je ne devais pas être plus haut que trois pommes; je n'avais que six ans après tout. Et pourtant, ce paysage me paraissait si familier, un peu comme si toutes les années que j'avais passé à errer dans le monde n'avait été qu'un simple mirage. J'avançai le visage fermé, de peur que quelqu'un ne reconnaisse mes traits ou la ressemblance avec mes géniteurs. Habituellement, je me pavanais le torse bombé, comme un paon montrant la beauté envieuse de sa queue multicolore. Là, je faisais profile bas, à un point que j'avais même pris la décision que complètement me couvrir : une première dans mon histoire. Ne supportant plus d'être regardé comme un étranger dans mon propre village, je finis par m'éclipser, me dissimulant dans la densité des feuillages d'un arbre. D'ici, j'observais les passants, reconnaissant parfois des visages familiers, bien qu'ils fussent un peu brouillés dans ma mémoire. Alors que l'ennui et la fatigue venait me titiller, des voix attirèrent mon attention et éloignèrent Morphée de mon chevet. Sortant la tête du tas de feuilles, je vis à qui elles appartenaient, ce qui ne manquait pas de me surprendre. Une famille, ma famille, avec un membre en trop.

Curieux de savoir qui pouvait être cet usurpateur, je passai un mode filature et me mis à suivre les membres de ma dite famille. Un sentiment étrange m'étreignait, au dedans de moi, et je me refusais à admettre qu'il pouvait s'agir de jalousie ou d'un sentiment semblable. Au fur et à mesure qu'ils avançaient, je remarquais la joie sur leurs visages et la chaleur qui émanait d'eux. Les voir ainsi me faisait bizarre vu que dans mes souvenirs, il n'y avait que des cris, des disputes et les coups que je recevais. J'avais du mal à croire qu'ils paraissent si heureux avec mon remplaçant. Je finis par les suivre jusqu'à la maison, alors que le crépuscule peignait le ciel d'un rouge presque sanglant. J'attendis, dehors, hésitant à frapper à la porte pour montrer que j'étais là. Quand à l'intérieur, j'entendis des rires joyeux. M'approchant d'une fenêtre, je les vis en train de partager un repas aussi maigre que celui qu'il partageait du temps où j'étais encore avec eux. La fenêtre était entre-ouverte, ce qui me permit d'écouter des brides de leur conversation. Quand le nom du jeune homme assis à leur table fut prononcé au fils de la discussion, je serrai si fort les poings, que mes ongles transpercèrent ma peau, laissant couler un filet de sang.

♠Ils m'ont remplacé par un sale gosse et lui ont même donné mon nom, le vrai s'entend.♠

Du visage joyeux, arrogant et excité que j'arborais jour et nuit, mes traits étaient maintenant déformés par une haine sans limite et une rage meurtrière. Y repenser seulement me donnait envie de mettre à feu et à sang tout le village de Taki pour avoir été témoin d'une telle ignominie. Mais vu ce que j'avais déjà fait, accomplir un tel délit me vaudrait sans aucun doute l'exil. Et m'en aller du pays de l'eau alors que je commençais à y prendre mes racines ne me plaisait pas du tout.

Brother Talk

Le pacte! Comment avais-je pu passer outre la promesse que nous nous étions faites au début de notre aventure? Quand il releva ce fait, je me sentis bien mal, comprenant que je lui infligeais la peine qui me tiraillait jadis. Je ne pouvais, maintenant, qu'accepter sa colère, vu qu'elle était amplement justifiée. Silencieux, j'attendis qu'il finisse sa courte tirade, évitant d'alimenter ce sentiment qu'il montrait tellement rarement. Lorsque que sa voix ne résonna plus, ne laissant que la mélopée du vent combler ce lourd silence, mes lèvres ne réagirent point. Je ne voulais pas répondre à cette question, même si je la connaissais, la raison de mon retour à mon pays natal. Je la combattais depuis des années car je refusais d'éprouver les émotions qu'elle faisait naître en moi. Aussi, je ne m'abaisserai jamais à l'énoncer tout haut et surtout pas à mon frère de coeur, mon compagnon de toujours. Nous étions devenus indispensables l'un pour l'autre car ensemble, nous pouvions plus facilement surmonter l'adversité. Malgré la confiance, la foi que je lui portais, je ne devais pas partager ce fardeau avec lui : c'était un calvaire personnel. Il appartenait à Keishin Rei et non à Utsumi Ace et cette seule raison m'obligeait à le mettre à l'écart. Car les crimes commis sous ce nom ne pouvait pas entaché la réputation d'une personne qui lui était étrangère. Mettant donc fin à la douce mélodie du vent, je pris la parole, déclarant aussi abruptement et sèchement:

♠ Si je te dis que je ne la connais pas, la raison, tu ne me croiras jamais. C'est dommage. Quoiqu'il en soit, tu n'as pas besoin de la connaître vu qu'elle ne te concerne en aucune façon. ♠

Ces paroles étaient brutales mais je ne pouvais lui éviter cette souffrance. Après tout, dans ce bas monde, personne ne pouvait échapper indéfiniment à son passé, encore moins un pauvre diable comme moi. Aujourd'hui, il m'avait rattrapé et heurté si violemment, que j'en avais eu le souffle coupé. Alors que ma tristesse se lisait dans mes yeux bleus, je vis la sienne se dessiner sur ses traits et tout devint plus clair. Cette colère, cette rage, tout n'était que supercherie, mascarade, un masque pour dissimuler la peur qui le rongeait au dedans de lui. Et je compris que s'il était ainsi c'était parce que je l'avais touché là il cela faisait le plus mal : je m'étais auto-mutilé, le blessant par la même occasion. Aux yeux de Yuun, nous étions une seule et même entité, les deux doigts d'une main, des siamois unis par le sang que nous avions fait couler ensemble. Agir comme si j'étais seul, comme s'il n'importait pas pour moi, l'effrayait car il voyait là le signe de mon indépendance, qu'il ne m'étais pas nécessaire, le signe douloureux d'une futur séparation. Certes, il exagérait beaucoup les faits, mais avec quelqu'un comme moi, que seuls des superlatifs pouvaient décrire, il ne pouvait faire autrement que s'inquiéter au moindre de faux-pas de ma part. Face à son insécurité, je nous revis, enfant, le jour de notre rencontre.

C'était un jour de grand vent, où soufflait des bourrasques glaciales, soulevant les flots marins à des hauteurs surnaturelles. Le ciel était grisonnant et aucun bateau dont l'équipage était saint d'esprit ne voudrait amarrer par un temps aussi dégueulasse. Je venais de fêter mon treizième anniversaire et comme cadeau, je m'étais permis de brûler vif la famille de richard qui m'exploitait depuis quelques mois. Bien que je n'avais suivi aucune formation aux arts ninja, je maîtrisais avec une aisance déconcertante le katon. Et vous vous en doutez, je ne me gênais pas démontre mes tendances de pyromane dès que l'occasion se présentait. Malheureusement, en écourtant la vie de mes derniers employeurs, j'avais aussi diminué mon revenue ce qui devenait un problème vu que je devais subvenir à mes besoins quotidiens. Alors, optant pour le vol de nourriture, plus que pour celui d'une bourse bien dodue, je me mis à arpenter les ruelles bondées. Pas d'humeur à devoir me battre pour assommer ma victime, je m'attaquai à une jeune garçon de mon âge environ, tout aussi fauché que moi, son allure le trahissait sur ce sujet. À ma grande surprise, il était plus costaud qu'il n'en avait l'air, à moins que la faim l'avait rendu enragé. Quoiqu'il en soit, il ne me laissa pas partir avec son butin sans se battre, match épique qui finit par être nul. Voyant qu'aucun de nous de lâcherait l'affaire, il eut la brillante et généreuse idée de partager son déjeuner. Par la suite, nos nombreuses rencontres nous apprirent que nos étions semblables en bien des points, nous amenant à marcher de concert dans plusieurs affaires quelque peu douteuses. La vengeance et la reconnaissance étant noter but commun, les frères Utsumi naquirent sous cet étendard et devinrent inséparables. Et au nom de cette histoire, je me devais de le rassurer.

♠ Tu n'as pas à t'inquiéter. Mon passé ne nous dérangera plus désormais. ♠

Il savait que je n'accepterais pas un tel affront sans rien dire et que ma vengeance risquait d'être terrible, à n'en point douter. Mais pensait-il que j'étais capable des extrémités auxquelles j'étais arrivé? Aucune chance. J'étais un pyromane bagarreur selon lui, une batterie sous tension, mais certainement pas un assassin, un tueur à sang-froid. Devait-il revoir son jugement? J'en avais bien peur...

Ambiance

Brother Talk

Je comprenais la peine de mon frère, vu qu’il avait toujours la pierre angulaire de notre duo. J’avais toujours été le trouble-fait et dans son infinie bonté, lui, avait toujours ranger le chaos après mon passage. Je me rendais maintenant compte, en le regardant, que j’avais du lui causer biens des problèmes depuis que nous nous connaissions. Aujourd’hui encore, à cet instant précis, je me disais que j’aurais peut-être du garder cela pour moi. Lui avouer que je venais de déterrer mon passé, alors que lui s’échiner pour l’oublier me donnait l’impression de passer pour une traitre. Heureusement que je n’aurais plus à commettre cette erreur, vu que j’avais fait en sorte d’effacer à jamais mon passé. D’ailleurs, à mes paroles, il comprit tout de suite que j’avais agi et certainement de manière excessive. Je ne pouvais décidément donc rien lui cacher ? Son front contre le mien, mes yeux sur le bandeau qui cachait continuellement ses yeux, je profitai de ce moment d’affection qu’il m’offrait. Le silence ne réclamait pas qu’on le comble de paroles inutiles, il préférait qu’on laisse la mélopée du vent soit l’unique à résonner, nos battements de cœurs mis à part. Quand il s’éloigna enfin de moi, je pris ce mouvement pour un signal, comme l’autorisation muette qu’il me donnait.


♠ Je les ai tués… ♠

Mon acte me revint en mémoire, défilant devant mes yeux comme si on venait d’appuyer sur le bouton "play" d’un magnétophone. J’avais été choqué par ce fait que cet enfant porte mon nom, après tout Rei, c’était commun, non ? Mais ce n’était qu’une excuse pour me rassurer, un mensonge pour rendre la réalité moins douloureuse. J’avais attendu, plus que la logique ne le voudrait, observant chacune de leurs mimiques, écoutant la moindre de leurs conversations. Et plus je m’attardais, plus l’évidence était difficile à nier : ils avaient adopté ce gamin, lui avaient donné mon nom dans l’espoir de se racheter une conscience. Si personne n’avait le cran de les punir pour un tel crime, je reviendrais personnellement les hanter pour leur rappeler qu’ils ne pourraient jamais effacer leur crime. Ce soir, je porterais la masque du bourreau, de l’exécuteur qui allait faire tomber sur eux le marteau puissant de ma justice. Les heures courraient à une allure folle et le moment d’aller dormir venait de sonner, leur promettant un sommeil dont-ils ne pourraient plus jamais se réveiller.

J’avais patienté, après que les lumières fussent éteintes, histoire d’être certain que je ne tomberais sur aucun insomniaque. Je connaissais le penchant de mon père pour la boisson et son habitude d’attendre que ma mère soit dans les bras de Morphée pour vider les bouteilles de la maison. Et je fus surpris de voir qu’il avait réglé son problème d’alcool, ou du moins qu’il avait délaissé cette mauvaise habitude. J’avais dépassé leur chambre car le premier à recevoir sa punition devait être l’usurpateur. Il dormait paisiblement, ne se doutant même pas que la mort se penchait sur sa couche. Pauvre innocent. Mais ne disait-on pas que les enfants devaient payer pour les fautes de leurs pères, comme quoi la malédiction sévissait plusieurs générations après. Saisissant un oreiller, je le plaçais sur son visage, l’éveillant dans mon attitude brusque. Le coussin étouffa ses cris, tout en emportant petit à petit la vie qu’il n’était pas la sienne.

Pour mes parents, par contre, j’avais été plus théâtral, prenant la peine de leur montrer mon visage, leur annonçant que j’étais rentré à la maison. L’horreur et l’embarras que je lus sur leur visage était assez jouissif en soi, mais pas suffisant pour que je leurs laisse la vie sauve. Après leur avoir tiré des excuses et des litres de larmes, je les avais tous les deux empoignés avec mes poings enflammés et les avais étranglés jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus opposer de résistance. J’étais parti, leurs corps gisant inertes sur le sol, mettant le feu à tout ce qui touchait le brasier de mes mains. Une fois dehors, je m’étais assis pour contempler la maison brûler et m’en allai une fois que le vent fut parti avec les cendres.

♠ Tu sais tout… ♠

Terminant mon récit, j’attendis sa réaction. Je ne lui avais pas épargné les détails car je savais qu’il préférait connaître toute la vérité surtout quand je lui refusais la raison derrière mes actes.

Brother Talk

Me remémorer les détails de ce jour ne m'avait pas rendu service, car dans mes pupilles azurées brillaient encore mon chagrin. En effaçant définitivement cette partie de mon existence, de mon histoire, j'avais aussi perdu une partie importante de moi. Et si je ne regrettais en rien le prix que j'avais du payer, il ne m'était pas moins douloureux de contempler mon reflet incomplet dans le miroir. Malgré tout, il y avait quelque chose qui me déprimait, qui me faisait culpabiliser à un point que j'en venais à me demander si la mort de mes défunts parents méritait vraiment cela. Il s'agissait de la responsabilité que devrait prendre mon frère aîné pour ma petite vendetta. Si Mei venait à apprendre le crime que j'avais commis, j'en mettais à ma main au feu qu'elle sévirait sévèrement mon acte irréfléchi. Et comme je ne tenais pas franchement à mourir et à rejoindre l'enfer dans lequel je me complaisais de si tôt, Yuun et moi finirions par entrer en guerre avec le village de la brume. Tout cela pour m'éviter de passer l'arme à gauche : je n'étais pas certain de pouvoir mourir tranquille avec une telle pensé sur la conscience.

Je comptais d'ailleurs lui demander, pour une fois, de me laisser subir seul le futur jugement qui m'attendait certainement. Si je pouvais le préserver un temps soit peu de ma bêtise, c'était le moins que je pouvais faire pour le remercier de tant s'inquiéter, de tant mon couver. Or, je n'avais pas fini de penser ainsi qu'il me jurait de me soutenir qu'importe les difficultés qui se présenteraient sur mon chemin. Devant tant de dévotion, je ne pus rien dire, sinon hocher positivement la tête, lui promettant silencieusement de le tenir au courant de tous les futurs évènements de ma vie. Faisant le serment, en mon fort intérieur, de m'améliorer de manière à ne plus avoir à le charger de nettoyer derrière moi, afin de devenir moins dépendant de sa personne, je le pris sous mon bras et lui ébouriffai les cheveux. Puis levant la tête pour constater que la course de l'astre solaire avait beaucoup avancé depuis le début de notre discussion, je le lâchai avant de déclarer.

♠L'heure passe drôlement vite en ta compagnie, frangin. Non pas que je veuille écourter ce moment, mais j'ai d'autres petites choses à régler et je les ai trop longtemps repousser. Tu m'excuseras donc... ♠

Dérangeant une dernière fois sa crinière grisonnante, je m'éloignai de lui, en réitérant ma promesse: celle de ne plus jamais rien lui cacher, tout toujours le consulter avant d'agir. Disparaissant ainsi de son champs de vision, me fondant dans la brume, je retournai à mes propres occupations. Il était temps que je devienne plus fort, assez pour ne plus être un fardeau dans sa vie...